Harcèlement au travail : Les employeurs face à leurs responsabilités légales

Le harcèlement au travail reste un fléau persistant dans de nombreuses entreprises françaises. Face à ce phénomène, les employeurs ont des obligations légales strictes pour prévenir et sanctionner ces comportements inacceptables. Décryptage des mesures à mettre en place pour protéger les salariés et éviter les sanctions.

Le cadre juridique du harcèlement au travail

Le Code du travail et le Code pénal encadrent strictement le harcèlement au travail en France. L’article L1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme des « agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le harcèlement sexuel est quant à lui défini à l’article L1153-1 comme « des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité de la personne en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Ces définitions larges permettent d’englober de nombreuses situations. Les employeurs doivent être particulièrement vigilants car leur responsabilité civile et pénale peut être engagée en cas de harcèlement avéré dans leur entreprise, même s’ils n’en sont pas directement les auteurs. Les sanctions encourues sont lourdes : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour le harcèlement moral, 3 ans et 45 000 euros pour le harcèlement sexuel.

L’obligation de prévention du harcèlement

La loi impose aux employeurs une obligation de sécurité de résultat concernant la protection de la santé physique et mentale des salariés. Cela implique de mettre en place des mesures de prévention du harcèlement. L’article L4121-1 du Code du travail précise que l’employeur doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Concrètement, l’employeur doit notamment :

– Mettre en place une politique de prévention claire et connue de tous les salariés

– Organiser des formations sur le harcèlement pour les managers et les salariés

– Afficher dans les locaux les textes relatifs au harcèlement moral et sexuel

– Mettre à disposition des salariés un dispositif d’alerte interne confidentiel

– Réaliser régulièrement une évaluation des risques psychosociaux

Ces mesures doivent être adaptées à la taille et à l’activité de l’entreprise. Leur mise en place effective permettra à l’employeur de démontrer qu’il a rempli son obligation de prévention en cas de contentieux.

L’obligation d’agir en cas de signalement

Lorsqu’un cas de harcèlement est signalé, l’employeur a l’obligation d’agir rapidement pour faire cesser les agissements et protéger la victime présumée. L’article L1152-4 du Code du travail dispose que « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».

Les actions à mettre en œuvre sont :

– Recevoir la victime présumée et l’écouter attentivement

– Mener une enquête interne approfondie et impartiale

– Prendre des mesures conservatoires si nécessaire (changement d’affectation, mise à pied…)

– Sanctionner le harceleur si les faits sont avérés

– Mettre en place un accompagnement médical et psychologique de la victime

L’employeur doit agir même si la victime ne souhaite pas porter plainte. Son inaction pourrait être considérée comme une faute inexcusable en cas de contentieux ultérieur.

La protection des victimes et des témoins

La loi prévoit une protection spécifique pour les victimes et les témoins de harcèlement. L’article L1152-2 du Code du travail interdit de sanctionner, licencier ou discriminer un salarié pour avoir subi, refusé de subir ou témoigné de faits de harcèlement moral. Une protection similaire existe pour le harcèlement sexuel à l’article L1153-2.

Cette protection s’applique même si les faits ne sont finalement pas qualifiés de harcèlement, du moment que le salarié était de bonne foi. L’employeur doit donc être particulièrement prudent avant de prendre une mesure défavorable envers un salarié ayant signalé du harcèlement.

En cas de licenciement d’une victime ou d’un témoin, celui-ci sera considéré comme nul. Le salarié pourra demander sa réintégration ou des dommages et intérêts conséquents.

Les sanctions en cas de manquement de l’employeur

Si l’employeur ne remplit pas ses obligations en matière de prévention et de traitement du harcèlement, il s’expose à de lourdes sanctions :

Condamnation pénale pour non-assistance à personne en danger (5 ans de prison et 75 000 euros d’amende)

Condamnation civile à verser des dommages et intérêts à la victime

Reconnaissance d’une faute inexcusable en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle liés au harcèlement

Sanctions administratives de l’Inspection du travail

Atteinte à l’image de l’entreprise

Les tribunaux sont de plus en plus sévères envers les employeurs négligents. Ainsi, la Cour de cassation a confirmé en 2019 la condamnation d’une entreprise à verser plus de 450 000 euros de dommages et intérêts à une salariée victime de harcèlement moral, estimant que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les agissements.

Les bonnes pratiques pour une politique anti-harcèlement efficace

Au-delà des obligations légales, les entreprises ont tout intérêt à mettre en place une véritable politique de lutte contre le harcèlement. Cela permet de préserver la santé des salariés, d’améliorer le climat social et de renforcer l’attractivité de l’entreprise.

Parmi les bonnes pratiques recommandées :

– Désigner un référent harcèlement formé et identifié par tous

– Mettre en place une charte éthique rappelant les valeurs de l’entreprise

– Organiser des campagnes de sensibilisation régulières

– Former spécifiquement l’encadrement à détecter les situations à risque

– Réaliser des enquêtes anonymes sur le climat social

– Mettre en place une cellule d’écoute externe pour les salariés

– Communiquer régulièrement sur les actions mises en place

L’implication de la direction est essentielle pour insuffler une véritable culture d’entreprise basée sur le respect mutuel et l’éthique.

Le harcèlement au travail reste malheureusement une réalité dans de nombreuses entreprises françaises. Face à ce fléau, les employeurs ont des obligations légales strictes en matière de prévention et de traitement des cas signalés. Au-delà de l’aspect juridique, mettre en place une politique volontariste de lutte contre le harcèlement est un investissement rentable pour préserver la santé des salariés et améliorer la performance de l’entreprise. Les dirigeants doivent s’emparer pleinement de ce sujet pour créer un environnement de travail sain et respectueux.